20 janvier 2234
J'écris dans un carnet.

20 janvier 2234 (suite)
J'écris dans un carnet et c'est ridicule.

21 janvier 2234
C'est du gaspillage, aussi.

21 janvier 2234 (suite)
On n'a pas idée de gaspiller du papier.

Alors pourquoi je le fais ?

22 janvier 2234
Parce que je.

23 janvier 2234
Tu m'excuseras, carnet, d'être aussi méfiant. Je n'aime pas me confier.

23 janvier 2234 (suite)
Il va falloir que tu m'apprivoises avant, et pour ça, tu vas devoir faire preuve de patience.

De beaucoup de patience.

23 janvier 2234 (soir, tard)
Je te préviens, je ne sais pas si tu en auras suffisamment.

26 janvier 2234
Tu es encore là ?

26 janvier 2234 (suite)
Tu es tenace...

27 janvier 2234
Bien, puisque tu veux m'entendre parler, je vais te raconter ma vie. J'espère que ça ne t'intéressera pas.

Aujourd'hui, une vieille dame est venue en pleurant me dire qu'elle avait l'impression d'avoir raté sa vie, que son existence n'avait plus aucun sens. J'ai perdu une demi-heure lui dire que non, que le Dôme a des plans pour chacun de nous, qu'il nous aime tous sans discrimination. Qu'elle trouvera sa voie. Qu'en attendant, si elle ne sait pas quoi faire, elle peut très bien aider les Mercy en tant que bénévole.
En rentrant chez moi, je me suis posé des questions. Tout ce que je lui ai dit était faux. À tout le moins, j'ai improvisé, sans savoir. Mais du moment que je l'ai dit, c'est devenu la vérité.
Je prends conscience de mon pouvoir : je manipule la Vérité.
C'est moi qui décide de ce qu'elle est. C'est moi qui la plie à ma volonté, non l'inverse.
Alors, la vérité, la vraie, où est-elle ? Quelle est-elle ? Y en a-t-il une ?

28 janvier 2234
Parce que je vis dans un mensonge.

29 janvier 2234
Eh bien voilà, je te l'ai dit. Content ?

30 janvier 2234
Tu t'en fiches, en fait. Tu sais comment je le sais ?

Parce que tu n'es qu'un carnet.